Joël GUERRIAU
Conseil Métropolitain : mon intervention sur le budget primitif

Madame la Présidente, mes chers collègues,
Comme cela nous a été exposé (I) le BP 2017 est bien dans la droite ligne du Débat des Orientations Budgétaires qu'a tenu notre Conseil en décembre dernier et reflète les décisions prises depuis le début de ce mandat. Cela nous amène donc à rappeler que contrairement à ce que la présentation faite par notre Vice-Président Finances pourrait laisser supposer (II) la stratégie métropolitaine définie en ce début de mandat continue à soulever des doutes et ne fait pas l'unanimité.
I. Un BP 2017 non coconstruit à l'image de la stratégie de mandat
Hé oui, nous ne cessons de le marteler, c'est unilatéralement que la Majorité a choisi de transférer des compétences et des équipements non obligatoires vers Nantes Métropole à travers le Pacte Métropolitain. Rappelons que la stratégie de mandat définie par le Pacte présenté à notre conseil en décembre 2014 n'a pas été le fruit d’un travail de maturation rassemblant l'ensemble des 'sensibilités' de notre Conseil. Ce pacte a été pensé, réfléchi entre l'Exécutif et l'Exécutif. Cette manière de procéder était tout à fait indélicate car contraire à l'esprit du fait intercommunal. Celui-ci aurait voulu que la Minorité soit associée à l'élaboration du Pacte et non simplement conviée à sa présentation une fois qu'il avait été bouclé entre 'sensibilités' majoritaires....
La nouvelle stratégie financière de notre intercommunalité s'est donc trouvée modelée voire scellée fin 2014 par les exigences d'un pacte métropolitain tout sauf concerté.
Ainsi, dès décembre 2014, nous avons mis en garde contre le fait d’acter des transferts d’équipements et de compétences, sans présenter une prospective détaillée concernant leurs retombées en termes d’impacts financier et budgétaire sur le reste du mandat. En effet, aucune étude d’impact des conséquences financières des transferts décidés par le Pacte n’a été présentée avant que l’on demande à notre Conseil de se prononcer à son sujet. Aucune projection des frais que ces transferts allaient générer en investissement comme en fonctionnement ne nous a été présenté… C'est un manquement qu'il faut souligner.
Lorsque l'on affirme être ambitieux et volontaire rien n'empêche d'être prévoyant et pondéré surtout quand on engage l'avenir de tout un territoire et de ses habitants. Nous appelions alors à la sagesse financière et budgétaire et plaidions en faveur d' une ambition partagée au bénéfice de tout notre territoire, de toutes nos communes et de tous nos concitoyens.
Ainsi, à plusieurs reprises, nous avons demandé une réflexion de fond sur le niveau des investissements et sur leurs contenus pour les revoir dans le détail et rappelé qu'il serait utile de réfléchir à un étalement de certaines dépenses dans le temps. Ces mesures de bon sens ne nous aurait en rien empêché de répondre aux besoins de notre territoire en matière de solidarité et d'innovation. Par contre, cela nous aurait permis de ne pas recourir à la hausse de la fiscalité !
Hausse de la fiscalité devenue inéluctable au regard du programme prévu par le pacte de 2014 et de l'ampleur des transferts d’équipements et de compétences non budgétés qu'il entraînait. En effet, il était plus que probable que ces transferts allaient générer des dépenses supplémentaires aussi bien en matière d’investissement qu'en matière de charges de fonctionnement.
D 'ailleurs, en ce qui concerne le volet fonctionnement, nous avons appelé régulièrement votre attention sur la nécessité des efforts à fournir en matière de gestion de la masse salariale. Or la synthèse du BP 2017 indique que les dépenses liées à son évolution sont en hausse de + 5,9% par rapport au BP 2016. Même si c’est en partie dû à des mesures nationales et aux transferts du Département vers la Métropole, la Chambre Régionale des Comptes dans le rapport qu'elle transmettait en décembre dernier indiquait que de 2008 à 2014 les effectifs s'étaient déjà accrus d'environ 800 agents et que les dépenses de personnel avaient augmenté sur cette période de 65 %. La justification de ces hausses repose notamment sur la mutualisation des services avec la Ville de Nantes. Ainsi, entre les transferts et la mutualisation, notre Ville centre bénéficie d’un contexte favorable lui permettant à elle de ne pas recourir à l’impôt.
N'oublions pas non plus que le désengagement de l’État qui pesait déjà lourdement sur notre intercommunalité et nos communes nous demandait de faire preuve d’encore plus de concertation au sujet de la stratégie métropolitaine à adopter et des projets à réaliser dans ce mandat et comment faire pour les financer… Cela n'a malheureusement pas été le cas. Nous avons alors averti contre les risques d’une stratégie non pas ambitieuse mais risquée car trop dispendieuse. Et dès décembre 2014, nous avons souligné les risques de vouloir aller trop vite et trop fort.
Nous aussi nous sommes ambitieux et volontaires. Notre engagement au quotidien auprès de nos concitoyens le prouve bien. Et c'est donc guidés par l'intérêt collectif au service de notre territoire et de ses habitants que nous nous sommes toujours efforcés d’être constructifs en apportant des propositions et cela même si nous n'avons pas été associés à la stratégie métropolitaine.
Ainsi, dès le début du mandat nous avons plaidé en faveur d’une définition de nos politiques publiques dans le cadre des moyens à notre disposition tout en prenant en compte les défis dont nous avions déjà connaissance (même si nous ne pouvions pas encore en apprécier toute l’ampleur) : le désengagement de l’État , la baisse des dotations et les transferts en provenance du Département que nous allions devoir supporter…
Cette proposition pragmatique était placée sous le signe de l’anticipation et du bon sens pas d’un prétendu manque d’ambition. Bien au contraire, cette proposition aurait eu au moins deux vertus et pas des moindres…
II. Une stratégie qui continue à soulever des doutes et amène à la hausse de la fiscalité pour tous, ménages comme entreprises …
Elle aurait sans aucun doute permis d’éviter ce que nous redoutions, notamment au regard de tous les transferts d’équipements et de compétences effectués vers notre Métropole, l’augmentation des taux d’imposition métropolitains.
A ce sujet nous notons, comme les contribuables de notre territoire, que vous n’y êtes pas allé avec le dos de cuillère : pour rappel : en décembre 2015, suite à vos décisions insuffisamment concertées de début de mandat, vous avez décidé de recourir à une fiscalité supplémentaire.
Ainsi chaque année les contribuables ménages et entreprises vont supporter 40M€ de ponctions fiscales supplémentaires. Le taux de taxe d’habitation est en 2016 passé de de 8,56% à 10,14% et le taux de TFB a évolué de + 5,75 points pour être porté à 6,41%.
Le BP 2017 permet lui de lancer la deuxième salve d’augmentation, celle auprès des entreprises : il s’agit de l’augmentation du taux de CFE de 0,96 point qui passe de 30,53 % à 31,49%. Rien ne vous obligeait à alourdir les taxes pesant sur les entrepreneurs mais comme cela vous était possible suite à l'augmentation des taux de taxes ménages vous en avez profité.
Quant à la baisse de taux de TEOM de 10,73 % à 7,50 %, elle ne peut être présentée comme une compensation aux fortes hausses des taux précédemment évoquées. C’est une obligation pour la Métropole qui avait trop perçu de recettes pendant des années. De 2009 à 2014 le BP de la collectivité a bénéficié d'un surplus de recettes chaque année d'un montant de 5 à 7M€.
Nous avions également proposé de revisiter ensemble, toutes sensibilités de notre Conseil confondues, les grandes politiques publiques de Nantes Métropole, les ambitions et projets ainsi que les moyens à mobiliser pour y parvenir afin de conduire à davantage de concertation dans les choix d’investissement et de rendre enfin effectif le slogan de la coconstruction.
Cela aurait été l'occasion de vous rappeler que nous n’aurions pas procédé comme votre Majorité concernant certains grands investissements.
Concernant le transfert du CHU sur l’Île de Nantes et les coûts induits qu'il entraîne, nous n'aurions sans doute pas fait le même choix de lieu d'implantation que vous. Nous aurions en effet laisser davantage d'espace aux avis contradictoires concernant ce projet et sans doute abouti au choix d'un autre lieu d’implantation et cela en concertation avec l’ensemble des acteurs du territoire impacté par ce projet.
Le projet de l'Arbre aux hérons, aurait mérité d'être partagé et travaillé bien plus en amont car il pose la question de l’ambition touristique, patrimoniale et culturelle qu’il s’agit d’impulser pour rendre davantage attractif tout notre territoire métropolitain.
J’insiste à nouveau à l’occasion de ce conseil, sur la nécessité de penser ensemble une véritable carte touristique de notre Métropole qui mette en valeur toutes les richesses touristiques, naturelles, culturelles et patrimoniales des 24 communes. Travaillons ensemble à un schéma à ce sujet. Ne créons pas de déséquilibre, ne surconcentrons pas l’offre touristique en un même lieu. Pensons Métropolitain, pensons à l’échelle de tout notre territoire, pensons à chacune des 24 communes pour créer, comme j’y appelais déjà lors du DOB 2017, « une synergie effective ville centre et communes au bénéfice d'une carte touristique, patrimoniale et culturelle ambitieuse, complémentaire et riche de sa diversité ».
A l’occasion de ce Conseil nous aborderons la problématique de grands équipements et de grands projets tels que l’Arbre aux Hérons, le Musée d’Arts ou encore le Stade de la Beaujoire. Ces équipements devront au regard de l’importance des crédits qu’ils mobilisent et vont mobiliser sur ce mandat et dans les mandats à venir participer non seulement au rayonnement du territoire, à son attractivité mais aussi à la qualité de vie de tous nos concitoyens.
A ce propos il faut qu’un point global d'information détaillant précisément tous les travaux à prévoir ou déjà réalisé relatifs aux équipements devenus métropolitains soit enfin fait. Il faudrait aussi clairement rappeler les coûts de fonctionnement qui sont associés à chacun de ces équipements. Les informations à ce sujet demeurent trop morcelées. Un point a été fait sur les travaux de la Beaujoire et dernièrement concernant les travaux du Musée d’Arts mais nous demandons un récapitulatif global depuis 2014 ! Cessons de découvrir au coup par coup de nouvelles dépenses liées aux transferts.
Enfin, n’oublions pas que la qualité de vie dépend aussi en grande partie de la qualité des équipements dits de proximité en cœur de chaque commune.
Alors prenons garde à ne pas créer de déséquilibres entre les volumes financiers consacrés à la proximité et ceux engagés en faveur des grands équipements cités précédemment. Les équipements au service de la proximité et du quotidien ne doivent pas devenir les parents pauvres des grands équipements métropolitains. Restons vigilants ! La Métropole et les 24 communes ont un véritable défi démographique à relever car elles accueillent toutes de plus en plus d'habitants.
Alors oui, les communes travaillent d’arrache-pied en faveur du cadre de vie et des équipements dont nos concitoyens ont besoin : écoles, bibliothèques, voirie, équipements rendus nécessaires suite aux implantations de nouveaux logements qui accompagnent les arrivées de nouveaux habitants. Mais elles ne peuvent pas tout seules car les efforts à faire sont légion pour garantir un cadre de vie de proximité de qualité.
Et lorsque l’on constate que l’État se repose chaque jour un peu plus sur les communes, notre Métropole ne doit pas oublier que les efforts qu'elles fournissent dans ce contexte contribuent également fortement à son attractivité aussi bien auprès des habitants et des touristes que des entreprises…
Proximité et rayonnement doivent être considérés sur un pied d’égalité pour garantir à notre Métropole un développement équilibré. N'oublions pas que l'intercommunalité est un outil conçu et pensé pour être au service des communes et non l'inverse.
Pour conclure : Aussi au regard de tous ces éléments et n'ayant pas été associés à la construction, à l'élaboration de ce budget nous nous abstiendrons.