Joël GUERRIAU
Séance publique du 4 janvier 2022
Débat sur la politique mise en place par le Gouvernement pour conforter la souveraineté maritime française sur les océans et garantir nos intérêts économiques et stratégiques.
Monsieur le Président, Madame la ministre, Mes chers collègues,
Notre pays entretient un lien particulier avec la mer. Notre histoire nous a conduit à parcourir et à traverser tous les océans. Ainsi, le territoire national de la République française se trouve aussi bien en Amérique du Nord, dans les Caraïbes, en Amérique du Sud, dans les Océans indien et pacifique mais aussi en Antarctique.
Cette diversité est une chance pour notre pays. Nous nous réjouissons à cet égard que les néo-calédoniens aient fait pour la troisième fois le choix de rester Français en décembre dernier. Ce territoire participe à conférer à notre pays la deuxième plus vaste zone économique exclusive au monde avec près de 11 millions de kilomètres carrés.
La délégation sénatoriale aux outre-mer a produit un grand nombre de rapports, extrêmement riches en matière de préconisations. Je me souviens en particulier de l’un d’entre eux dont j’ai été coauteur en 2014, et dans lequel nous préconisions d’instituer un ministère de la mer. Aussi je me réjouis de votre présence Madame la ministre. Nous avions plusieurs recommandations concernant la promotion aux échelons National, Européen et Mondial d’un cadre normatif pour une économie bleu durable notamment par la prise en compte de la fragilité du milieu marin dans le code minier. Quelles sont les avancées sur le plan international ? Où en est la convention de Montego Bay ? La Chine, qui a ratifié le texte, en piétine les principes, et les États-Unis qui ne sont pas signataires les défendent. Nous préconisions aussi la restructuration de nos activités marines en filière intégré, de la recherche jusqu’aux activités marchandes, avons-nous progressé à ce sujet ?
Le domaine maritime revêt pour la France une importance toute particulière au vu de sa présence sur l’ensemble du globe. Ce domaine est une richesse que beaucoup nous envient et que nous devons savoir mettre en valeur. Pour cela, il est essentiel de connaître avec précision la composition de ces espaces. Le Service Hydrographique et Océanographique de la Marine, le SHOM, est l’un des principaux piliers de cette connaissance.
Le développement d’un prototype d’un robot sous-marin devrait nous permettre de nous doter d’une capacité d’investigation à grande profondeur à la fin de cette année.
L'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer, l’IFREMER, a mené plusieurs études visant à améliorer la connaissance de nos fonds marins, mais force est de constater qu’il nous reste encore beaucoup à découvrir.
Nous avons eu l’occasion de regretter le retard pris par le programme Capacité Hydrographique et Océanographique du Futur, à l’heure où le monde a les yeux rivés sur la zone Asie Pacifique.
Les Russes et les Chinois se montrent très actifs en la matière et prêtent une grande attention à ce milieu qui voit passer l’essentiel du commerce mondial ainsi que d’importants câbles de télécommunication. Il est essentiel que notre pays ne prenne pas de retard en la matière.
Au-delà de la connaissance, il est également primordial que la France dispose de la maîtrise de ses eaux. Nous avons vu certains pays tenter de déstabiliser nos territoires d’outre-mer. Nous en voyons d’autres tester régulièrement notre vigilance au large de nos côtes.
La France dispose d’une marine de premier ordre. Le Gouvernement a maintenu les efforts prévus par la LPM. Nous nous en félicitons. Notre pays est l’une des rares puissances mondiales disposant d’une dissuasion nucléaire sous-marine, silencieuse et indétectable. Nous devons conserver notre rang.
Nous voyons s’accroître les menaces. La stratégie de durcissement et de préparation à la haute intensité répond bien à cette réalité. Le budget de la défense doit être à la hauteur des missions qui sont confiées à nos armées.
Ces efforts doivent nous assurer la supériorité, notamment dans le domaine maritime. Les sous-marins SNA de classe Barracudas figurent parmi les meilleurs de leur catégorie.
Combinés aux autres moyens de la Marine, ces bâtiments nous permettent d’assurer des missions de surveillance ainsi que de protéger la France et ses intérêts partout dans le monde.
La regrettable décision de l’Australie, revenant sur sa commande de sous-marins français pour finalement naviguer sur des bâtiments américains, n’enlève rien à l’implication de notre pays dans cette zone. Nos territoires ultramarins et notre coopération avec les acteurs de l’espace indopacifique, nous y inscrivent dans la durée.
J’ai eu la chance de visiter en Espagne le Centre satellitaire de l'Union européenne. J’ai pu y voir des grappes de bateaux de pêche chinois, escortés par frégates pour ratisser les fonds de l’indopacifique. Cette réalité doit nous inciter à renforcer notre présence dans cet espace et à nous astreindre à l’exemplarité en matière environnementale.
La France participera à l’Histoire de cette région qui compte parmi les plus stratégiques de la planète. Elle doit conserver ses moyens d’action et continuer à tenir son rang de puissance.
La Chine a compris que pour dominer le monde il faut être une grande puissance maritime. Le général De Gaulle en 1969 n’affirmait-t-il pas que « les États chercheront à dominer la mer pour en contrôler les ressources » ? Il est de notre responsabilité de préserver nos intérêts en se donnant les moyens.